Si vous me suivez sur Instagram ou que vous me connaissez un peu, vous n’avez pas pu manqué l’info. Je tricote, je tricote, je tricote.
C’est une chère amie qui m’a appris. Merci à elle ! Elle m’a appris à former mes premières mailles. Pendant un petit moment j’ai tricoté une écharpe par ci, par là. Cela m’amusait beaucoup mais je ne me lançais pas dans des plus gros projets. Et une fois de plus… Je ne m’en sentais pas vraiment capable. Je voyais les pulls etc et je m’auto-inhibais directement : « Tu n’y arriveras jamais ».
La réappropriation du temps lent
A l’été 2017, après une intervention chirurgicale particulièrement éprouvante, je suis restée plusieurs semaines à la maison en convalescence. Le temps s’étirait très lentement, entre douleurs, cicatrisation, malaises. Je n’avais pas beaucoup d’autonomie de marche et pas beaucoup de concentration non plus pour lire. Et tout ce temps devant moi, avec des pensées plus ou moins négatives. L’ennui, La dévalorisation de soi dans ces moments là. Même si je lutte contre tout ça. Dans un contexte qui valorise majoritairement l’hyper-activité, l’hyper-performance, rester chez soi à se reposer, c’est compliqué. Le vivre bien, c’est carrément révolutionnaire !! Je fais tout mon possible pour déconstruire toutes ces normes mais *breaking-news*, je ne suis pas une super-woman non plus. Et je suis souvent mélancolique quand ma pathologie m’impose le repos forcé.
J’ai commencé à regarder des podcasts tricot et j’ai réalisé que même des designers*euses ou des tricoteu*r*ses talentueu*ses*x faisaient des erreurs, devaient dé-tricoter reprendre, expérimenter. Cela m’a poussé à me lancer dans un projet tricot plus important. Cela m’a donné le peu de confiance en moi qui me manquait. Je me suis dit OK, j’ai plusieurs semaines devant moi. C’est le moment de me lancer. Et j’ai découvert que le tricot me permettait de me réapproprier tout ce temps passé à me reposer, à récupérer. Le tricot c’est lent. Parfois très lent. Tout à fait adapté à un rythme de convalescence, ou le quotidien de personnes atteintes de maladies chroniques.
Le toucher
Puis j’ai découvert un monde infini de matière. De laine naturelle, ou pas, de fibres aux différentes caractéristiques, teintes à la main ou pas. Qui gratte, un peu beaucoup rugueuse ou très douce. Molle ou avec plus de tenue. Je crois que c’est pour ça que j’aime tant explorer les différents types de fil. Le toucher. Passer du temps avec ce fil dans les mains me fait du bien aussi physiquement. J’ai lu plusieurs fois que la concentration sur le tricot ou une activité manuelle permet d’oublier un peu les douleurs chroniques. Et cela fonctionne pour moi. Le toucher me permet aussi de me reconnecter à moi même. Derrière ses fils il y a un ensemble de savoir faire que j’aime aussi découvrir, et qui donne du sens à un quotidien parfois absurde. Quand je porte un vêtement que j’ai tricoté, je pense un peu à tout ça et ça me fait du bien !
Réalisation de soi & Réappropriation de mon corps
Je suis quelqu’un d’impatient, je me lasse aussi très vite. Et parfois mon entourage s’étonne de ces heures passées à tricoter. Mais le tricot c’est aussi très technique. Découvrir une nouvelle construction, un nouveau point. Le bonheur d’apprendre, de découvrir les multiples techniques ou les différents univers créatifs des designers*euses. Il y a un aspect méditatif à passer tout ce temps à tricoter mais aussi le bonheur de la réalisation, la satisfaction de l’objet fini, le pouvoir de faire soi même.
Et j’ai découvert un autre aspect dans ma pratique du tricot qui me fait du bien. Au départ sur Ravelry* ou les réseaux sociaux (ici pour moi Instagram), je postais essentiellement des photos de fils ou de projets terminés mais sans moi dedans. J’ai vite réalisé que quand je cherchais des informations sur un pull ou autre vêtement. J’aimais tout particulièrement trouver des photos des vêtements portés ! Pour essayer de comprendre si j’aimerais le porter moi même, selon ma morphologie et mes gouts. Du coup je me suis forcée à prendre ce type de photos. Je le dis tout le temps: la représentation est importante et je n’arrivais même pas à me voir en photo (…) Et là, a commencé un nouveau processus qui est loin d’être terminé. J’ai commencé à réfléchir à ce que j’aime porter et pourquoi. J’ai commencé à regarder mon corps un peu plus. Ma perception, l’image de mon corps sont perturbées par des blessures de l’enfance et l’adolescence mais aussi celles de la maladie. Les cicatrices et les kilos pris avec les traitements mais pas seulement. Il y a aussi les douleurs et ce corps que je dois abandonner sur les tables d’examens ou de chirurgie un peu trop souvent. Je ne le regarde plus. Ces derniers temps une échographie peut me faire profondément souffrir moralement. J’ai du mal à m’en remettre. Je ressens une profonde dissociation avec mon corps que je dois laisser sur la table médicale. Je ne supporte plus du tout le côté invasif des soins. C’est vraiment douloureux. J’ai récemment consulté un acupuncteur et une des premières choses que je lui ai dit c’est « je ne me déshabille pas ». Merci à lui pour sa compréhension, il s’est adapté. Avec le tricot, j’essaye de regarder ce corps en face, de mieux comprendre ma morphologie. Comprendre ce que j’aime porter pour choisir les vêtements, et leur construction. J’arrive à poster des photos de vêtements portés ce qui est un acte totalement anodin pour les réseaux sociaux mais pour moi une énorme victoire. J’arrive à voir mon corps en peinture, j’essaye de me le réapproprier petit à petit.
Bon tricot ! Prenez soin de vous!
*Ravelry est un forum gratuit ou l’on peu acheter les modèles de designeuse*r*s indépendant*e*s mais également une immense banque de données ou chacun.e répertorie des informations sur les projets tricot ou crochet, la laine, les différents type de fils.
Prenez soin de vous !